Réforme de la formation professionnelle : ce qui change en 2016
C’est une réforme qui va faire bouger les lignes ! Pour les entreprises, les salariés, les demandeurs d’emploi, les jeunes sans qualification, etc. C’est aussi une révolution culturelle : des sociétés libres d’investir et d’aligner la formation sur leur stratégie globale, puis des actifs enfin en mesure de piloter leur parcours professionnel et d’agir sur le développement de leurs compétences. Gravées dans le marbre de la loi, de nombreuses mesures placent tous les acteurs face à leurs responsabilités : disparition de l’obligation de financement, instauration du compte personnel de formation (CPF), apparitions de l’entretien professionnel individuel pour les salariés et du conseil en évolution professionnelle (CEP) pour les demandeurs d’emploi. En prime, les démarches et les dispositifs sont considérablement simplifiés.
Esprit de reconquête. La formation ne doit plus être considérée comme un coût, mais bien comme un investissement, une source de performance pour la petite entreprise de moins de 10 salariés comme pour le grand groupe international. En redonnant le pouvoir aux acteurs du monde de l’entreprise, la réforme réinstalle le capital humain au centre de la création de valeurs.
La principale nouveauté est le compte individuel et portable dont disposera chaque salarié, dès 16 ans. Ce CPF le suivra jusqu’à la retraite et sera crédité de 24 heures par an les cinq premières années, puis de 12 heures par an, avec un plafond à 150 heures.
L’autre point clé de la réforme est le financement de la formation par les entreprises. Celui-ci est repensé en profondeur pour diminuer le montant des contributions obligatoires et donner plus de liberté aux entreprises dans la construction et la budgétisation de leur plan de formation. Cette liberté s’accompagne d’un devoir, celui de contribuer à l’employabilité de leurs collaborateurs. « Tous les 6 ans, chaque salarié devra avoir accédé à au moins une formation, une évolution professionnelle ou une augmentation. Sinon, l’entreprise s’expose à des sanctions » explique Mathilde Bourdat, de Cegos.
Sécuriser le parcours professionnel. Les formations pour la beauté du geste, c’est terminé. En lui donnant les coudées franches sur l’utilisation de son CPF tout en l’obligeant à choisir parmi une liste de formations liées aux besoins de l’économie, le salarié renforce son employabilité.
Pour suivre une formation dans le cadre de son CPF, le salarié devra choisir parmi une liste définie par les partenaires sociaux nationaux, les branches professionnelles et les régions. Le principe est simple : lui fournir les compétences qui le maintiendront dans l’emploi et le rendront attractifs aux yeux des recruteurs.
« La mise en place tous les 2 ans d’un entretien professionnel individuel entre le salarié et son employeur est une excellente mesure. C’est l’occasion de parler d’avenir et de se projeter concrètement sur le développement des compétences », explique Michel Belli, directeur général d’Orsys, organisme de formation. Et pour toutes les entreprises qui négligeraient en 6 ans d’envisager la progression de leurs collaborateurs, une sanction sera appliquée !
Avec la réforme, la ventilation des financements et de la collecte va élargir le périmètre des bénéficiaires de la formation. « En ouvrant la possibilité de se former à ceux qui en étaient exclus, on raccroche les wagons. Sur le long terme, les connaissances accumulées auront un impact positif sur l’employabilité » poursuit Michel Belli. Pour le salarié, la maîtrise d’un compte portable est évidemment essentielle. Tout au long de sa vie, il engendre un capital d’heures de formation (donc autant d’expériences) qui valorise son parcours professionnel.
Vers de nouvelles approches pédagogiques ? Avec le système des listes, les formations devront être certifiantes ou qualifiantes. Une condition sine qua non pour apporter de la valeur au parcours professionnel de tous les actifs. L’autre condition, c’est que les formes d’apprentissage évoluent. Plus fluides, mieux adaptées, elles vont devoir s’ajuster à la réalité de chaque entreprise pour que l’investissement dans le capital humain devienne un vrai levier de compétitivité.
Et place donc au numérique. Moins chères, plus rapides, plus souples, les formations en ligne seront certainement les « stars » de cette réforme. Encore faudra-t-il mettre en place les modalités nécessaires pour accompagner les salariés durant l’apprentissage et ne pas les laisser tous seuls face à leur ordinateur. Les formes non conventionnelles de formation vont se développer, parmi lesquels le tutorat ou le coaching. Aux entreprises, désormais libres d’investir, de choisir les bons outils pour maintenir l’employabilité de leurs collaborateurs.
Et si la formation ne s’arrêtait jamais… Avec la réforme, elle peut être plus facilement séquencée ou modularisée, et donc s’adapter aux rythmes de travail des salariés. Un enseignement en janvier, l’autre en mars, les examens en juin, etc., et la souplesse deviendra la norme. Dans cette optique, les entreprises devront provoquer un changement profond dans les mentalités. « Il est aujourd’hui indispensable de créer des relations à long terme entre les formateurs et les apprenants. Certes, il y a la théorie pendant les cours mais il faut aussi envisager un accompagnement postérieur à la formation lorsque l’apprenant met en pratique. C’est en ce sens aussi que la pédagogie doit innover ! », explique Arnaud Blachon, Cofondateur d’UpGraduate, plateforme de gestion de la formation. Place à l’individualisation de l’apprentissage ! Avec la multiplication des cours en ligne, le sur-mesure à des prix compétitifs devient possible. L’entreprise adapte alors le parcours de formation dans le fond et dans la forme aux besoins de ses salariés. Une vraie révolution vous dit-on !
Par Mireille Weinberg de l’opinion.