Nouvelle réforme territoriale : quels enjeux pour nos radios ?
Le 29 octobre 2015, s’est tenu à l’université de droit de Toulouse Capitole 1 un colloque intitulé : « Nouvelle organisation territoriale de la République : nouveaux enjeux pour la communication audiovisuelle locale » ?
Une centaine de professionnels étaient donc réunies pour l’occasion : représentants du CTA de Toulouse, des radios associatives du Languedoc Roussillon, Midi Pyrénées, Aquitaine et Rhône Alpes, CNRA, SNRL, DGMIC, TDF et Towercast. Tous présent pour évoquer les bouleversements à venir dans les rapports que vont entretenir nos médias locaux (TV mais surtout radio) et nos collectivités territoriales.
Rappel du contexte juridique par Serge Regourd, Professeur à l’Université Toulouse 1, (membre du CTA et Directeur de l’IDETCOM).
Il faut prendre conscience que La loi NOTRe, Nouvelle Organisation Territoire de la République de juillet 2015, est une véritable rupture avec le principe d’uniformité des territoires en place depuis la 3ème République. Bien sûr, la création de métropoles, en 2010, tranchait déjà avec ce principe entre les communes. Trois d’entre elles, Lyon, Paris et Marseille sont même dotées de statuts particuliers, propre à chacune. Mais nous sommes ici en face d’une reconfiguration des territoires qui va remettre en question leurs identités, leurs compétences voire même leurs existences. En effet, après avoir consacré le modèle européen d’organisation des collectivités territoriales par la loi du 16 janvier 2015, les nouveaux principes sont ceux de la compétitivité et de l’attractivité entre les territoires.
Alors que les communes cèdent leurs prérogatives aux intercommunalités, future échelon de base de la nouvelle organisation territoriale, on fusionne dès 2016 les Régions à 12 (la Corse disposant d’un statut particulier), et on voit apparaitre un nouveau couple : Régions et Métropoles.
Les départements, dans cette nouvelle configuration, peinent à exister puisque dans le même temps, la loi NOTRe supprime « la clause générale de compétence » dont bénéficiaient tous les niveaux d’organisation auparavant. Les départements conservent tout de même (mais pour combien de temps) leurs compétences dans les domaines de la solidarité, du sanitaire et du social.
Pour nos radios, plusieurs questions.
Nos radios vont devoir s’adresser à la Région pour les questions économiques, compétence qu’il leur est dévolue. Mais pour la compétence culturelle, selon votre territoire, soit c’est du ressort des compétences optionnelles et partagées du département, au même titre que pour le sport, les langues régionales et le tourisme, ou du ressort des compétences secondaires de votre région. En effet, la culture est bien mentionnée dans les attributions de la Région dès l’article 28 de la loi NOTRe en termes de « responsabilité culturelle obligatoire » mais « responsabilité » ne vaut pas « compétence » selon les juristes, cette notion-là est floue, l’esprit de la loi évoquant la culture au sens large et pas la production culturelle. Nous ne connaitrons finalement nos nouveaux interlocuteurs qu’une fois que la loi sera appliquée, et les élections passées.
Pour ce qui est des contenus, nous ne sommes pas plus avancés. Difficile de parler de proximité sur un territoire aussi vaste que celui des nouvelles régions. A la manière de Sylvain Athiel, Directeur d’A2PRL,on peut se demander quelles seront les nouvelles identités des nouvelles régions et comment nos radios de communication sociale de proximité vont s’intégrer à cette nouvelle échelle ? Pour ce fournisseur de programmes clef en main, chaque radio va devoir se remettre en question, peut être repenser ses formats et sa façon de faire de la radio avec un seul objectif : la satisfaction de l’auditeur.
La question du financement de nos radios a longuement été traitée. Actuellement, tout ou presque précipite nos radios vers la livraison de prestations pour pouvoir prendre le relais de financements publics plafonnés ou en baisse, se financer, se développer. C’est le constat que fait Hugues de Vésins, Vice-président de la CNRA chargé des relations avec le CSA :
« Quand nos radios échappent à la logique de prestations de services, les règles qui leur sont imposées pour obtenir des financements publics ne peuvent bien souvent se soustraire aux règles de la concurrence applicable aux procédures d’appels d’offres publics. Dès lors, qu’elles le veuillent ou non, nos radios se retrouvent en concurrence avec d’autres radios qu’elles soient associatives, commerciales ou publiques.» C’est ça, être un acteur du marché aujourd’hui, que nous le voulions ou non.
Dans ce contexte, les collectivités territoriales, au premier rang desquels les Conseils Régionaux, peuvent avoir un rôle de premier plan. Notre système de financement a une immense vertu, il permet des effets de levier puissant entre financements publics nationaux et financements locaux.
Pour notre représentant national, Que pouvons-nous alors attendre d’une Région ? :
- Qu’elle soit garante de l’équité territoriale.
- Qu’elle définisse des actions aux objectifs partagés entre elle les autres collectivités et les représentants de nos radios. Ces objectifs serviraient de guide à l’action de cette collectivité et pourraient également offrir une base de référence pour des actions à mener avec d’autres collectivités.
- Qu’elle définisse également des critères d’évaluation pour l’action de nos radios. Ces critères devraient servir tout autant à identifier les acteurs pouvant bénéficier des futurs dispositifs mis en place, que de système d’analyse des actions finalement menées.
- Qu’elle définisse ou valide des éléments explicatifs de grilles tarifaires qui deviennent des outils de base pour la rémunération des prestations commandées par la région ou d’autres collectivités aux radios associatives.
- Qu’elle accélère, ou amplifie, les politiques nationales initiées par le FSER. Sur ce plan, je rappellerais que le FSER à l’équipement ne finance que 50% des investissements d’une radio associative. Par conséquent, chaque € investit par nos territoires permet de mobiliser 1 € issu du financement national.
- Qu’elle conventionne avec les représentants de nos radios des actions sur plusieurs années.
- Qu’elle aide à régler le problème d’asymétrie et d’exactitude de l’information face aux résultats du Médiamétrie afin que celui-ci devienne, pourquoi pas, un véritable indicateur.
Nicolas About, membre du CSA, a présenté dans ce même esprit l’exemple de la télévision, les « contrats d’objectifs et de moyens ». D’une durée de 3 ou 5 ans. Le COM est un remboursement au prestataire d’un service gratuit qu’il offre au citoyen. On y précise des engagements précis et réciproques avec chacune des collectivités signataire, les conditions de sa mise en œuvre, sa durée (3 ans minimum, 5 au maximum), etc. C’est un modèle applicable aux radios qu’il souhaite voir multiplier sur diverses collectivités.
Ces COM vont-ils dans le sens de la circulaire relative aux « nouvelles relations entre les pouvoirs publics et les associations » parue le 29 septembre ? Signée directement par le Premier Ministre Valls, elle incite les collectivités locales à recourir aux conventions pluriannuelles et à définir une politique de subvention concertée avec le milieu associatif.
Les représentants de l’ARRA, Eliane Blin et J.Paul Gambier, ont pour leur part proposé quelques pistes à nos tutelles :
- Que les nouvelles DRAC disposent d’un conseiller « Communication », correspondant de la DGMIC, compétent pour le FSER et les Médias de proximité.
- Que le CSA diligente des études d’impact économique du passage à la RNT pour les opérateurs associatifs dont les territoires sont situés en dehors des Métropoles.
- Que le CSA garantisse qu’à la faveur des regroupements et syndications induits par la réforme territoriale les fréquences ne puissent être cédées de-facto et que le changement de la catégorie A vers une autre reste impossible. Qu’il étudie l’impact économique et éditorial de ces regroupements tels qu’ils se sont opérés au cours des années passées.
Comme il l’a été rappelé par le public, à l’instar de la FRANC-LR, les Fédérations régionales adhérentes à la CNRA ont su par le passé et grâce à leur ancrage local tisser des accords fructueux avec les collectivités territoriales. Vous l’aurez bien compris, il est donc urgent d’anticiper cette réforme territoriale.
C’était un des objectifs de colloque avec la perspective d’ouvrir un dialogue constructif entre les différents acteurs de l’audiovisuel et surtout, de s’organiser en vue de cette réforme qui, vous l’aurez compris, va changer notre paysage radiophonique.